Les récits citoyens de l'Assemblée des imaginaires
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La sortie botanique de Lucas
Des personnages /
Ann, l’enseignante par Ann :
Je suis toujours enseignante, l’école n’est plus obligatoire car beaucoup de parents font l’école à la maison mais j’organise des modules d’apprentissage de base le matin et l’après-midi des modules de découverte de la nature ou des arts. Il y a beaucoup d’intervenants ponctuels et les formations sont ouvertes aux adultes. Je ne travaille plus qu’un jour par semaine vu mon âge.
Le jardin de l’école est devenu une forêt-jardin florissante. Il y a aussi un cochon et des poules près de la mare. Je n’ai pas pu beaucoup voyager dans ma vie puisque les avions sont réservés aux urgences médicales et quelques rares autres occasions encadrées par la loi mais je fais régulièrement des voyages en VR directe.
Le père de Lucas par Lucas :
Je serai au cœur d’une collectivité investie dans l’autogestion et la prise de décisions politiques. Je serai serein et épanoui dans mon rapport au vivant. Je vivrai dans une ferme future autogestionnaire où chacun sera à la bonne place par rapport à la nature.
Je me vois prof et la transmission d’imaginaire ce serait important dans un futur meilleur. Je me consacrerai à ça.
Au niveau du caractère, je serai plus calme que ce que je suis, débarrassé des crispations liées à l’époque d’aujourd’hui.
Paul par Paul :
Je pars à vélo grâce aux nouvelles vélo-routes. En passant, je cueille des pommes au jardin coopératif. Un kilo de récoltes équivaut une demi-heure de travail d’entretien dans ce jardin participatif, pour deux kilos, il faut travailler une heure. Il y a une appli qui nous permet de pointer pour les comptabiliser. En passant, je note sur mon appli des suggestions de plantations ou d’entretien.
Le long de la vélo-route les eaux pluviales sont récoltées dans des grandes citernes souterraines connectées par des pompes solaires à un arrosage automatique intelligent pour les jardins et les arbres de la ville.
Nicole la médiatrice par Nicole :
Il y a plus de liens entre les gens un nouveau métier s’est popularisé : les médiateurs. Ils permettent de relier les différentes communautés entre elles et les gens entre eux.
Des lieux /
L’IEP ou travail le père de Lucas par Lucas :
A l’Institut des Etudes Politiques d’Aix-en-Provence, la salle de conférence et les archives sont des lieux de rencontres autogestionnaires. Le modèle d’enseignement a changé. Autour il y a plus d’arbres. On a débétonné un peu. A l’intérieur, l’aspect magistral et sacral se mélange et se confond avec l’amas des gens présents ; le côté fermé inaccessible il n’y est plus ressenti mais il reste la grandiosité du lieu, les statues et les dorures. Les salles et les amphis ressemblent aux 3C -le café culturel et citoyen-. Il y a des affiches partout, des couleurs. Le grand amphi est un lieu de vie au lieu de ce qu’il était en 2023. Le lierre pousse partout.
Une place par Erwan :
Il y a cette place dans le quartier de Beisson. Une des vues les plus belles d’Aix que je connaisse. Je la vois toujours vide. J’imagine que dans quelques années les grimpantes auront repris leurs droits sur les barrières en métal.
Il y aura Marmoud, conteur de père en fils, qui racontera des histoires aux jeunes et aux moins jeunes, posé à côté de la bibliothèque libre-service.
Fanny expliquera les gestes de premiers secours à qui le veut.
Richard arrosera les quelques lauriers en pot de la place en expliquant comment il fait ses semis à Kadour.
Chantal finira de couper les aubergines pour agrémenter la ratatouille collective.
Loïc, assis dans une chaise pliante, sourira silence en regardant tout ce monde.
Aix-en-Provence par Paul :
Au milieu des bretelles d’autoroutes qui ne sont maintenant des voies réservées au bus électriques, aux voitures à hydrogène ou hybride, il y a des jardins-forêt. Il y en a aussi sur des terrasses au-dessus des voies de circulation.
On a ajouté des sur-toits où a installé des jardins. L’un des côtés de l’immeuble conserve ses tuiles et l’autre côté sert pour les terrasses où sont installés jardins maraîchers qu’on a aussi aménagé sur les carrefours.
Le 3C par Ann :
En 2050, le 3C, le café culturel et citoyen, est toujours en place. C’est une des plus vieilles institutions de la transition à Aix-en-Provence. Je sors de la salle principale ; les immeubles de la rue ont été colonisés par l’atelier de réparation, la ressourcerie, la grande cuisine, l’atelier d’artiste, l’auberge et tant encore. A l’étage, dans cette rue, il n’y a que des arbres locataires et, comme il n’y a plus de voiture depuis 2035 dans le la ville, le calme règne à l’heure de la sieste estivale. Les cigales chantent au-dessus du potager qui fait le tour de ville. Je vais voir si tout se passe bien dans la salle de répétition ; des gamins l’ont réservée pour préparer le slam qu’ils présenteront ce soir. Je leur laisse des verres de citronnade puis retourne me reposer sur une chaise longue à l’ombre du plaqueminier qui ombrage l’entrée du 3C.
L’hopitâl d’Aix par Nicole :
Les hôpitaux sont très différents de ceux de 2023. Les patients ne sont plus des clients qui sont là pour recevoir des médicaments pour enrichir les laboratoires. La médecine prend en compte la nutrition, le bien-être, la santé en général. Il y a beaucoup de pratiques différentes à l'hôpital ; elles se complètent. On utilise l'argile, l'acupuncture et d'autres médecines traditionnelles.
L’histoire de LUCAS par Nicole et Ann :
Ann est âgée. Ce matin elle est passée à l’hôpital pour réajuster sa prise en charge car ses douleurs au genou sont plus aiguës ces temps-ci. Son médecin réajuste son programme alimentaire et lui propose d’aller passer une journée aux thermes après lui avoir posé un cataplasme d’argile. Elle s’y rendra le lendemain car cet après-midi, elle a organisé une sortie à Puyricard pour faire un état de la flore de cette zone.
Paul est arrivé à vélo et Lucas sur les épaules de son papa depuis l’IEP. Certains sont venus du quartier Beisson, Ann est partie de l’école, elle a fait un crochet par le 3C pour récupérer des planches de photos grand format et quelques volontaires pour l’aider à les porter. En tout, une vingtaine de personnes de tous âges montent dans le bus à hydrogène.
Sur le site, chacun prend connaissance des plantes qu’on trouve habituellement dans le secteur. Chacun doit documenter l’inventaire en photographiant des spécimens pour enrichir l’abécédaire de la flore de la biorégion. La liste comprend aussi une série de plantes disparues qu’on trouvait en Provence afin que leur réapparition éventuelle puisse être documentée si elle survient.
Les petits groupes se dispersent sur la zone à couvrir. Lucas est un enfant volubile et aventureux. Il part avec Paul et deux autres enfants : Natacha et Amélie. Ils sont arrêtés par un très haut mur qui balafre la colline. Lucas est très impressionné, ils le longent un moment. Ils sont intrigués car dans leur monde d’enfant fait de communs, la propriété privée à usage exclusif est un concept absent. Même si la France est maillée maintenant de communes municipalistes où vivent une myriade de communautés interconnectées, quelques enclaves ultracapitalistes perdurent, elles aussi interconnectées mais totalement fermées à leur voisinage proche devenu inexploitable à leurs yeux.
Longeant le mur ils découvrent qu’un arbre a ouvert une brèche avec l’une de ses racines, à la base du mur. Contre l’avis général, Lucas s’y faufile. Ils attendent longtemps et puis l’heure du retour arrive mais Lucas n’est toujours pas revenu.
Au point de rassemblement, tout le monde s’inquiète. Les enfants proposent de rentrer par la brèche mais leur enseignante n’est pas d’accord. Ann essaie de se faire ouvrir le portail principal mais il est automatique et aucun système n’est visible pour alerter les occupants de l’arrivée d’un visiteur.
Ann décide de faire appel à la médiatrice de la zone. Elle se rend chez Nicole, à moins d’un kilomètre de là et lui demande d’intercéder auprès des habitants de la propriété. Nicole est très véhémente à l’encontre de Jean-Pierre Arpau qui refuse tout contact depuis des années et survole régulièrement son hameau proche avec son bruyant hélicoptère ou son jet à décollage vertical. Elle se plaint du balai incessant de drônes de livraison qui sont pires que des mouches en été, des bruyantes tondeuses qui officient tous les jeudis, été comme hiver. Elle semble intarissable mais Ann la recentre sur l’urgence. Lucas est peut-être blessé à l’intérieur.
Pour qu’on les laisse entrer Nicole organise une petite manifestation devant le portail avec tous le groupe. Ils chantent s’accrochent théâtralement à la grille, jettent quelques bombes à graines sur le gazon lisse qui borde l’allée de goudron. La bruyante assemblée finit par alerter le garde qui était en faction devant ses caméras. Il tente d’abord l’intimidation pour les calmer sans essayer de les comprendre. Il arrive armé et menaçant. Il leur demande grossièrement de partir mais Nicole est bravache. Alors que tout le monde est parti se cacher derrière arbres, rochers ou tout autre bouclier naturel contre les balles. Elle reste campée devant les grilles et, quand la rafale de sommation s’est tue, elle explique en une phrase, d’un ton calme qu’un enfant s’est introduit sur la propriété.
Le garde accepte bon gré mal gré d’accompagner la maîtresse, Paul et les enfants jusqu’à la brèche pour constater. Il retourne dans la propriété pour en parler à M. Arpau. Celui-ci revient pour engueuler vertement Ann. Puis comme la situation ne peut rester ainsi, Nicole a sa petite victoire. Elle coupe court monologue du propriétaire sur les principes d’éducation déplorable dans cette nouvelle société et lui demande de les laisser entrer pour chercher Lucas.
Jean-Pierre que Nicole aime provoquer en le tutoyant et en l’appelant par son prénom part à la recherche du gamin perdu avec ses gardes humains et robotiques -chiens et drônes-. Il ne veut laisser entrer personne chez lui.
C’est lui qui retrouve Lucas. Le petit garçon a la cheville foulée et ne peut pas marcher mais il n’a rien perdu de sa verve habituelle. Jean-Pierre le transporte, l’enfant lui explique qu’il a découvert une plante disparue depuis des décennies sur sa propriété. Il lui cite le nom de toutes les plantes qu’ils rencontrent. Le cœur de M.Arpau se dégèle au contact de ce bout de chou aux yeux plein d’étoiles et quand revenu parmi le groupe, il lui demande publiquement si il peut venir voir la plante la prochaine fois qu’ils viendront inventorier sur le secteur pour la montrer à tout le monde, il dit oui.
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