Les récits citoyens de l'Assemblée des imaginaires
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Sortir des lotissements-dortoirs
2050, Élyzoé, une vieille dame charmante, coupe le cordon d’inauguration de la microcentrale électrique à air ambiant du lotissement. Elle fait un discours à la petite assemblée venue fêter l’événement.
Elle replonge dans ses souvenirs :
2025, Élyzoé vit dans la villa que lui ont léguée ses parents. Elle vit seule dans cette grande maison avec jardin et cherche à attirer des colocataires. Elle est graphiste freelance et ne prend que des projets en télétravail. Elle ne trouve malheureusement pas à recruter car son lotissement-dortoir est paumé au bout d’un cul de sac assez éloigné des centres de la métropole Aix-Marseille. Elle souhaiterait que ce soit d’autres travailleurs à domicile qui s’installent avec elle mais quand elle réussit à enfin ferrer un potentiel locataire c’est toujours un travailleur pendulaire et comme elle a converti son garage en serre, personne n’est intéressé. Autour d’elles les autres habitants ont tous leurs colloc’ ou leur famille et tous sont des travailleurs pendulaires aussi se sent-elle comme dans un village fantôme pendant la journée. Les weekends ce n’est guère mieux puisqu’ils partent tous en balade en voiture dans les centres commerciaux, à la plage, au ski,…
Le matin c’est un vrai balai de voitures à sa fenêtre. Elle se voit comme la protagoniste d’un film de Wes Anderson. Il y a même une navette qui vient prendre les travailleurs d’Eurocopter juste devant chez-elle.
Et puis un jour, ces voisins immédiats vendent leur maison, elle est rachetée par une jeune femme, Clélia, qui veut y installer une épicerie collaborative. Au début l’idée ne démarre pas fort il y a peu de produits proposés : des œufs, des lapins, des fromages de chèvre parce que Clélia a des poules, des lapins et des chèvres mais Élyzoé s’entiche de son idée de faire de leur lotissement-dortoir un hameau convivial. Elle investit de son temps, les deux voisines abattent la clôture entre leurs deux propriétés pour optimiser l’espace potager.
L’épicerie propose bientôt des légumes et des fruits. Élyzoé trouve enfin un colocataire qui propose d’animer une réparothèque. Comme il y a peu de clients au début, il s’intéresse à une décharge sauvage ; le service qui s’occupe des encombrants n’a que peu de passages programmés dans leur quartier. Il trouve de quoi ouvrir un nouveau rayon ressourcerie pour l’épicerie de Clélia.
Celle-ci trouve un peu plus tard une jeune colocataire, Samaée qui vient d’obtenir son CAP de boulangère et petit à petit la clientèle s’étoffe à l’image de l’offre. Dans le quartier, l’idée d’accueillir des microentreprises fait son chemin : un traiteur, un théâtre, une vidéothèque, une ludothèque font leur apparition…
Au bout de quelques années, les travailleurs pendulaires et les travailleurs résidents sont aussi nombreux et les weekends plus animés.
2030, « la crise du 0 » -zéro émission de carbone- désorganise toute l’économie. Les lourdes taxes de dissuasion sur les produits pétroliers plongent les classes moyennes et populaires dans un profond désarroi. Elles n’ont plus d’alternative, elles doivent se rapprocher de leurs emplois ; c’est la désertification annoncée pour toute l’urbanisation périurbaine, la débâcle financière pour de nombreuses familles qui doivent abandonner des maisons invendables pour s'installer dans des logements exiguës.
En 2035, un jeune ingénieur en programmation informatique, Kérubin, vient s’installer avec Samaée. Fasciné par la résilience de ce lotissement ou « hameau convivial » comme tient à l’appeler Élyzoé, il se pique de leur créer une plateforme qui leur permet de gérer plus efficacement les échanges de biens et services, les besoins, les envies de chacun. Son appli attire l’attention de la métropole qui s’en empare comme d’un outil pour revivifier les territoires périurbain en voie de désertification. D’autres « hameaux conviviaux » voient le jour…
Retour en 2050, Élyzoé visite la centrale avec quelques habitants. Un jeune garçon tout excité vient interrompre la visite pour annoncer à sa mère Samaée que sur la plateforme d’entraide inter-hameaux son projet de recherche vient d’être validé par 7 autres hameaux : ils vont l’aider à perfectionner son projet de cerf-volant producteur d’électricité ; il va bientôt pouvoir partir faire son tour d'Europe à vélo en toute liberté !
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